Le spinhx de Gizeh



Le sphinx1 de Gizeh (appelé par les Arabes أبو الهول Abou al-Hôl, « père de la terreur ») est la statue thérianthrope qui se dresse devant les grandes pyramides du plateau de Gizeh, en amont du delta du Nil, dans la Basse-Égypte. Sculpture monumentale monolithe la plus grande du monde2 (73,5 mètres de long, 14 mètres de large et 20,22 mètres de haut), elle représente un sphinx couchant.

Description

D'une longueur de 73,5 mètres3, d'une hauteur de 20,22 mètres, d'une largeur maximale de 14 mètres (hauteur de la tête 5,20 m ; largeur du visage : 4,15 m ; largeur de la bouche seule : 2,32 m ; hauteur de l'oreille : 1,40 m ; hauteur du nez : 1,70 m) et d'un poids d'environ 20 000 tonnes4, le sphinx de Gizeh est une sculpture monumentale taillée dans un promontoire naturel dans le roc. Sa tête est taillée dans un piton de calcaire dur et gris de la plaque Mokattam sur laquelle sont construites les trois pyramides, un piton déjà vénéré aux temps pré-pharaoniques5,6. Il se trouve en avant de la grande carrière qui a fourni nombre de blocs à la pyramide. Sa tête est tournée vers le levant. Le corps du sphinx, sculpté dans la couche sous-jacente de calcaire tendre, est celui d'un lion couché, et la tête celle d'un souverain portant le némès, le front orné d'un uræus (on distingue encore l'endroit du front où celui-ci était fixé)7.

Longtemps identifié au pharaon Khéphren, fils de Khéops, son visage pourrait en fait représenter Khéops lui-même, comme l'affirme Vassil Dobrev8. Plusieurs indices lui ont permis d'élaborer sa théorie, comme l'observation de sa coiffe, la largeur de son menton, la forme de ses oreilles ou sa barbe de cérémonie9.

Ce serait Djédefrê, fils de Khéops et frère de Khéphren, qui aurait fait bâtir le sphinx (ou restaurer sa tête) à la gloire de son père. Par ailleurs, des inscriptions indiquent que c'est Djédefrê qui aurait également fait démonter et enfouir les barques solaires dans des fosses, sur le côté sud de la pyramide de son père Khéops, pour que celui-ci puisse voyager dans l'autre monde.

On pense que le sphinx assurait une fonction de gardien du site, ou peut-être plus précisément du temple solaire édifié à côté de la pyramide de Khéops10.

Construction

Le sphinx vu de côté

La « stèle du rêve » de Thoutmôsis IV, entre les pattes du Sphinx.

Si le corps et la tête sont taillés à même le roc (les archéologues évaluent à environ un million d'heures le temps nécessaire pour sculpter le sphinx à l'aide de burins ou ciseaux en cuivre et des maillets en bois, ce qui correspond à un volume sculpté d'environ 765 m39), les pattes tendues ont été ajoutées en maçonnerie. À l'origine, selon les écrits de Pline l'Ancien et les traces présentes sur le visage, le sphinx devait être entièrement recouvert de plâtre peint, visage et corps en rouge, le némès en bleu et jaune comme il était courant de le faire sur la statuaire égyptienne. Mais les archéologues datent ces peintures d'une époque plus tardive, du Nouvel Empire, période où le Sphinx était honoré comme divinité dynastique.

On a trouvé aussi les fondations d'un temple ainsi qu'une statue en pied d'un roi devant son poitrail, mais il s'agit sans doute là d'ajouts tardifs, tout comme la stèle de granit rose placée entre ses pattes par Thoutmôsis IV. Taillée directement dans le roc, cette « stèle du rêve » raconte le songe de Thoutmôsis IV : celui-ci fit désensabler le Sphinx pour satisfaire le dieu qui lui serait apparu en rêve, lui promettant en échange le trône du royaume d'Égypte. Il fit également construire une série de murs d'enceinte en briques de terre pour protéger la statue de l'ensablement11. Cet événement, consigné sur la stèle, lui servit ensuite à asseoir sa légitimité.

Le texte de la stèle serait celui-ci10 :

« Un jour il advint que le fils royal Thoutmôsis, qui allait se promener à l'heure de midi, se reposa à l'ombre de ce grand dieu ; la torpeur du sommeil le saisit, au moment où le soleil était à son zénith. Il s'aperçut alors que la Majesté de ce dieu auguste lui parlait, de sa bouche même, comme un père parle à son fils, disant : regarde-moi, contemple-moi, ô mon fils Thoutmôsis ; je suis ton père, Horakhéty-Khépri-Râ-Atoum ; je te donnerai la royauté sur terre, à la tête des vivants, tu porteras la couronne blanche et la couronne rouge sur le trône de Geb, le prince (des dieux). La terre t'appartiendra en sa longueur et sa largeur, et tout ce qu'illumine l'œil brillant du maître de l'Univers. (...) Voilà que maintenant le sable du désert me tourmente, le sable au-dessus duquel j'étais autrefois ; aussi hâte-toi vers moi, afin que tu puisses accomplir tout ce que je désire. »

Datation et origine

Thèse majoritaire

Les égyptologues situent la date de construction de cet ouvrage autour de -2500, ce qui correspond au règne du pharaon Khéphren, dont le Sphinx serait le portrait. Concernant le temple qui l'accompagne, Christiane Zivie-Coche montre que les lits de calcaire, tels qu'ils sont parfaitement visibles sur la paroi sud de la cavité qui entoure le sphinx, se retrouvent sur les blocs ayant servi pour le gros œuvre du temple du Sphinx, voisin géographiquement et très proche architecturalement du temple de la vallée de Khéphren. Cependant, l'origine du Sphinx est remise en question depuis quelques années, notamment par l'égyptologue Rainer Stadelmann qui, reprenant une thèse plus ancienne, y voit l'œuvre du pharaon Khéops. S'appuyant sur l'analyse stylistique et archéologique, il démontre ainsi que la forme de la coiffure (némès), l'absence de barbe à l'époque de la construction, la présence du sphinx dans une carrière de Khéops et les traits du visage sont caractéristiques du règne de ce dernier. D'après l'égyptologue Vassil Dobrev, Djédefrê (fils de Khéops et frère de Khéphren qui régna entre ces deux pharaons) pourrait être le constructeur du sphinx de Gizeh9.

Estimation climatologique et astronomique

En 1990, une équipe de quatre scientifiques, comprenant le géophysicien Thomas L. Dobecki et le géologue Robert Schoch de l'université de Boston a démontré que les traces d'érosion sur le sphinx (hormis la tête qui aurait été retaillée vers -2500) et ses murs d'enceinte sont plus importantes que celles des monuments avoisinants, telles les pyramides. Il présente, en plus de traces d'érosion par le sable, de profondes traces verticales d'érosion par les intempéries. Ceci est avancé comme argument pour une datation plus ancienne de sa création, comme l'estime David Coxill, tandis que certains climatologues tel Rudolph Kuper estiment à l'inverse que c'est l'aridification du climat qui est plus tardive qu'originellement estimé (autour de -2600 au lieu de -4000)9.

Un autre argument avancé contre la thèse officielle vient de son orientation inexpliquée de 14º : ce décalage prend du sens lorsqu'on intègre le fait que cela correspond précisément à l'orientation vers le point cardinal de l'est plusieurs millénaires avant les pyramides.[réf. nécessaire]

Nouvelle thèse sur l'origine du Sphinx

Anubis sous forme canine. Tombeau de Toutânkhamon.

En 2009, Robert et Olivia Temple publient un livre intitulé The Sphinx Mystery12 dans lequel ils avancent qu'à l'origine, le Sphinx était probablement une monumentale représentation du dieu Anubis taillée dans la roche pendant l'Ancien Empire. Détérioré pendant la première période intermédiaire égyptienne, son visage actuel aurait été retaillé pendant le Moyen Empire pour représenter le pharaon Amenemhat II dans ce qui restait du cou de l'Anubis. Les auteurs s'appuient sur certaines évidences : la disproportion entre la tête et le corps du Sphinx, le corps à dos plat très différent du corps d'un lion tel qu'il est représenté traditionnellement dans l'Égypte antique et plus proche de celui d'un chien, la parfaite intégration du volume du Sphinx actuel dans l'enveloppe de Anubis sous forme canine, mis à l'échelle et toutes proportions gardées, cette fois-ci. Enfin, le sphinx (tête d'homme et corps de lion) n'est traditionnellement pas associé aux nécropoles égyptiennes, alors qu'Anubis est par définition associé au culte funéraire et à la protection du défunt13.

Ensablement et dégradation

Le 17 juillet 1839, le site était totalement ensablé. Lithographie de David Roberts.

Fragments en pierre calcaire de la présumée barbe du sphinx, British Museum.

Le temps a gravement abîmé le grand sphinx, en particulier à cause de l'érosion, entre autres par le sable qui s'amoncelle constamment et qui a provoqué les « vagues » qui recouvrent maintenant tout le corps. Plusieurs fois, le sphinx a dû être désensablé ; Auguste Mariette entreprend de le dégager en 1853 et le dernier désensablement réalisé par Émile Baraize date de 192514.

L'homme est également responsable de mutilations, notamment en ce qui concerne son sourire énigmatique, abîmé par des coups de canon ordonnés par un cheikh du XIVe siècle. La barbe est au British Museum et le nez n'a pas été retrouvé.

Une partie de l'épaule droite s'étant effondrée en 1988, son cou étant fragile, des travaux pour sauver le sphinx eurent lieu dès 1989. Depuis avril 2006, une restauration du grand sphinx est entreprise, espérant rectifier des erreurs (utilisation de ciment pour reconstituer la statue) des précédentes restaurations du monument14.

Origine de la mutilation du nez

La légende voulait que le nez du sphinx ait été détruit par un boulet de canon mal tiré des soldats de Bonaparte lors de la campagne d'Égypte. Quand on connaît le travail effectué par Bonaparte pour répertorier toutes les manifestations artistiques d'Égypte, on se rend compte du caractère purement légendaire de ces affirmations15. En 1995, le militant suprématiste noir américain Louis Farrakhan reprend cette légende, dans un contexte afrocentriste, estimant que « La suprématie des Blancs a conduit Napoléon à détruire le nez du Sphinx parce qu'il rappelait trop la majesté de l'homme noir »16.

Les historiens ont longtemps considéré que les responsables de la mutilation du nez du sphinx étaient les Mamelouks, qui ont occupé l'Égypte pendant plusieurs siècles avant d'être battus par les troupes de Bonaparte. Des gravures datant d'avant la campagne d'Égypte montrent d'ailleurs le sphinx dépourvu de son nez17, ce qui confirme que la mutilation a précédé l'arrivée des soldats français.

En 1980, l'historien allemand Ulrich Haarmann18, s'appuyant sur les témoignages de plusieurs auteurs arabes du Moyen Âge (comme Rashidi et Ahmad al-Maqrîzî qui décrit le Sphinx comme le « talisman du Nil » favorisant la saison des inondations), a révélé que le visage du Sphinx fut endommagé en 1378 par Mohammed Sa'im al-Dahr, un soufi iconoclaste originaire du khanqah de Sa'id al-Su'ada qui voulait détruire ce qu'il considérait comme une idole païenne (les paysans égyptiens donnant des offrandes à cette idole pour favoriser leurs récoltes), s'attaquant (tout seul) en particulier au nez et aux oreilles19. Mohammed Sa'im al-Dahr fut pendu pour vandalisme avant que sa dépouille ne fut brûlée par ces mêmes paysans égyptiens, devant le sphinx.

L'étude archéologique complète effectuée récemment par l'archéologue Mark Lehner20, montre des traces très nettes de destruction par outil à une époque qui se situerait entre le IIIe et le Xe siècle.

Évocations artistiques

La destruction du nez du sphinx est souvent expliquée de manière fantaisiste :

  • dans la bande dessinée et le film Astérix et Cléopâtre, le nez est détruit par Obélix qui tente de grimper sur le sphinx pour profiter de la vue ;

  • dans Aladdin de Walt Disney Pictures, un tailleur est surpris de voir Aladdin et la princesse Jasmine sur le tapis volant, et détruit accidentellement le nez ;

  • dans une publicité des années 1990 pour un opticien (Krys), un archéologue retrouve les lunettes trop lourdes du sphinx qui lui auraient cassé le nez ;

  • dans Scooby-Doo au pays des pharaons, c'est Sammy qui aurait cassé le nez du sphinx en lançant un feu d'artifice géant qui a dévié de sa trajectoire et atterri sur le sphinx.

  • dans l'épisode Les lapins crétins voyagent dans le temps, les lapins dérangent l'ouvrier qui sculpte le nez du sphinx, le faisant ainsi faire un faux mouvement qui casse le nez.

Notes

  1. Le terme sphinx vient du grec ancien « Σφίγξ »/Sphínx, qui signifie « étrangler », lui même dérivé du sanskrit « स्थग » sthag (en pâli, thak) signifiant « dissimulé » ; une autre interprétation l'attribue à l'ancien égyptien Shesepânkh, qui signifie « statue vivante » ou « automate ».

  2. (en) J. C. Vintner, Ancient Earth Mysteries, Vintner, 2011 [lire en ligne [archive]], p. 54

  3. 57 mètres sans la queue.

  4. (en) Manly Palmer Hall, The Secret Teachings of the Ages, Wilder Publications, 2009, p. 42

  5. (en)The Mighty Sphinx [archive], 2Mapa.org : Missouri Association of Professional Archaeologists

  6. Comment une idole pré-pharaonique devient la tête du Sphinx [archive]

  7. Joseph Davidovits, La nouvelle histoire des pyramides, Jean-Cyrille Godefroy Éditions, 2004 (ISBN 2865531759), p. 67

  8. Travaux de Vassil Dobrev (IFAO du Caire) publiés dans l'article « Sphinx, son vrai visage dévoilé » du magazine Science et vie n°1050, mars 2005

  9. a, b, c et d Barny Revi, documentaire « La face cachée du sphinx », 2008

  10. a et b Selon le site Insecula [archive]

  11. Le grand sphinx de Gizeh [archive]

  12. (en) The Sphinx Mystery, the forgotten origins of the sanctuary of Anubis, deep-book ltd, avril 2009

  13. Site dédié à cette hypothèse [archive]

  14. a et b Anne-Marie Molinié, Mémoires d'Égypte, Éditions Publibook, 2010 [lire en ligne [archive]], p. 111

  15. Christiane Zivie-Coche, Sphinx ! le Père la terreur, Paris, 1997.

  16. « White supremacy caused Napoleon to blow the nose off of the Sphinx because it reminded you too much of the Black man's majesty ». Retranscription des paroles de Louis Farrakhan [archive] à l'occasion de la Million Man March, 17 octobre 1995

  17. Les soldats de Bonaparte ont-ils détruit le nez du Sphinx ? [archive]

  18. « Regional Sentiment in Medieval Islamic Egypt », in Bulletin of the School of Oriental and African Studies, Université de Londres, vol. 43 (1980) p. 55-66

  19. Qui a cassé le nez du sphinx ? [archive] dans La Minute de la connaissance

  20. « archéology of an image : the great sphinx of Giza, Yale, 1991, p. 40-72

 

Source:Wikipédia


Le sphinx de Gizeh